Vous avez remarqué ce pouvoir magique qu’ont les enfants de faire sourire les adultes ?
Comment ces petits êtres patauds réussissent-ils ce miracle avec cette facilité déconcertante ?
C’est bien simple : ils font tout avec l’enthousiasme de la première fois ! On sent qu’ils découvrent ce qu’ils font et qu’ils adorent. Enfiler un sac, porter des commissions, regarder un animal.
Les adultes ont perdu ça, grisé par le voile de l’habitude, effrayés par le regard que peuvent porter les autres sur leur ignorance et leur découverte. Un adulte qui découvre quelque chose avec naïveté passe pour un benêt. Depuis l’adolescence, nous sommes « cools » si rien ne nous étonne, si rien ne nous atteint. Et nous perdons notre pouvoir par la même occasion.
L’improvisation, c’est retrouver ce pouvoir : prendre des risques, et faire des choses qu’on a jamais fait avant, essayer avec enthousiasme et s’émerveiller de tout.
J’ai découvert récemment le concept de « tomate » qui m’a stupéfait : des improvisateurs ont des « impros » qui marchent bien et qu’ils ressortent… Je ne crois pas que ce soit la bonne voie !
Autant je suis d’accord avec l’idée qu’il faut garder un oeil neuf et un émerveillement permanent, autant je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas présenter sur scène quelque chose qu’on a travaillé avant. Même en improvisation.
A la base, la Commedia avait ses lazzi. Ca ne gachait rien au plaisir du public.
A mon sens, cette censure vient de l’habitude moralement contestable qui consiste à présenter l’improvisation en début de spectacle comme une prouesse où l’improvisateur est un sur-homme capable de TOUT générer sur le moment. Si c’est le « pitch » du spectacle (« regardez ma PERFORMANCE »), alors oui, préparer le truc et mettre un filet de sécurité est un peu une arnaque.
Par contre, c’est acceptable si on annonce juste un spectacle improvisé qui a pour but de divertir (sans autre prétention). Keith faisait ça en permanence en utilisant des lazzi. En fait, ses « jeux » sont des lazzi: Hat Game, Hand on Knee, The Gerbil, Boris, Master Servant…
Rien n’empêche également de travailler et de s’efforcer à garder « frais » un exercice ou un type de scène déjà travaillés en atelier et maintes fois faits sur scène. C’est le savoir faire des bons acteurs: rendre chaque interprétation unique.
Et là on sort de l’enfance / adolescence du « joueur improvisateur » (qui peut être charmant avec son regard neuf et enthousiaste sur tout comme les petits enfants que tu décris) au professionnalisme et à la pertinence de « l’acteur qui improvise ».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lazzi
Comme toujours,il n’y a pas de pratique bonne ou mauvaise intrinsèquement.
Tous les choix peuvent être bons ou mauvais, ça dépend surtout de pourquoi on les fait. Avoir du contenu répété, si c’est un choix artistique fort, c’est très bien ! (Jeux, Comedia del’Arte, comedia moderne : j’ai entendu parler de gens qui jouaient une pièce dans un bar dont le scénario était écrit, mais pas les dialogues, etc..). En revanche, si c’est une scène qu’on ressort dans une comparée en match parce qu’on veut se rassurer, et gagner, je ne pense pas que ça soit très intéressant.
Quand on professionnalisme, je ne pense pas que la distinction soit si claire. Si on prend les bonimenteurs qui ont de gros morceaux écrits (qui sont très bien écrits), je ne suis pas persuadé que leur choix soit si abouti et adulte. Les scènes d’impros à côté des passages écrits sont relativement médiocres, et on sent la tentative d’assurer une « qualité minimum ». Un choix basé sur la peur pas très intéressant.
Personnellement, j’ai loin d’avoir fini ma crise d’adolescence d’improvisateur. Je critique tout et rien ne m’inspire.