Il me sera bien difficile de vous rapporter ici la richesse de l’expérience que je viens de vivre, mais espérons que je pourrais partager avec vous quelques expériences. Je n’ai pas vraiment organisé mon propos, donc je ne sais pas vraiment de quoi ce billet va parler.
Je suis donc parti 10 jours en Amérique du Nord, pour y faire de l’improvisation théâtrale, avec Ian (Eux) et Flo (Improfessionals).
Nous sommes d’abord allés à Vancouver, jouer le St-Valentine’s Day Massacre, un tournoi de TheatreSports TM (format créé et déposé par Keith Johnstone), puis, direction Seattle pour le SFIT (Seattle Festival of Improvised Theater).
Vancouver :
VTSL : Vancouver TheatreSports League, gérant de l’Impro Center est un de plus grand théâtre d’impro du monde, sans doute après Chicago. 180 places, un bar, 11 spectacles d’impro par semaine, 1,2 million de dollars de budget, des comédiens payés systématiquement (peu, mais tout de même)…
Le théâtre est assez moderne (il date d’un an), avec des tables pour boire pour les premiers rangs. Un décors impressionnant avec une fenêtre, des portes, des caisses, des pilones, plein de trucs pour s’amuser !
Le théâtre organise donc un tournoi avec des équipes internationales, cette année : Austin, Edmonton (Rapid Fire Theater), Bellingham (ces mecs là sont géniaux), Chicago, Vancouver et Paris (nous !).
Ils remplissent bien leur salle même avec 3 spectacles par soir, avec un public étranger à l’impro (pas des amis des joueurs, ni des improvisateurs) ils ont tout un staff, c’est très pro. L’équipe est adorable, et les gens sont chaleureux. Jay Ono, le directeur a un bureau avec des photos de lui improvisant avec Robin Williams.
Les improvisateurs là bas sont très très bons ! Ils sont présents, réactifs, mais, très verbaux et peu physiques, et très très loin du théâtre, on arrive sur scène avec sa bière, complètement débraillé, et les scènes sont très tournées vers des jeux et de défis. Ils sont hilarants et joueurs. Ken Lawson, improvisateur de Seattle représente vraiment pour moi la définition du « Great Improviser » de Keith Johnstone. Mais leur art et leur technique est utilisée pour offrir du rire, et rien que du rire. Malgré toute l’admiration que j’ai pour eux, ils ne m’ont pas inspiré à suivre cette voie.
Globalement, j’ai l’impression que les lieux d’impro qui connaissent le succès sont ceux qui se développent dans les lieux avec une offre culturelle limitée…
Au cours de ce super séjour, nous avons eu la chance d’avoir un atelier avec Asaf Ronen (auteur de Directing Improv) sur la physicalité, et un atelier avec Michael Robinson sur les personnages, l’émotion et la sincérité.
On a eu la chance également de jouer devant John Locke (Terry O’Quinn) !
Seattle :
Wing-it production / jet-city improv : Seattle compte 2 théâtres d’impro : wing-it production et unexpected production avec 2 festivals très différents. Ici Wing-it organisait le SFIT avec plein de groupes d’un peu partout et plein d’ateliers !
Encore une fois, une équipe adorable, et plein de gens sympa.
Un grand théâtre (200 places environ), dans un style plus européen qu’à Vancouver, mais on y distribue quand même du pop-corn et des boissons. Très style cinéma.
Ici la scène est très variée et hyper riche. Les spectacles sont tous très orientés vers le format long, mais avec un sérieux et une implication incroyable. On a vu un star-trek improvisé (par une parodie, un vrai star-trek), avec un improvisateur dédié aux accessoires (il faisait les vaisseaux spaciaux et les gadgets électroniques), on a vu un format long dans un bunker avec des comédiens entièrement costumés, et un décors ultra riche de bunker… Globalement, ils investissent beaucoup de sérieux en décors, en costume, en accessoires, et trouvent toujours des concepts risqués et osés, comme ce « improsia » ou deux membres du public sont invités à partager un dîner avec des comédiens jouant des personnages mal ajustés socialement (des genre de sheldon cooper), et ils préparent réellement à manger, et partagent vraiment un repas !
Cependant, les improvisateurs ici sont un peu moins bons que ceux de Vancouver, et on sent que la forme les ralentit un peu.
Cependant, 3 spectacles auront réellement marqué le séjour :
- M&M : Margaret et Michael (Robinson) qui venaient de Vancouver après nous avoir reçu à Vancouver on fait un spectacle très simple avec deux chaises qu’ils promènent sur scène et qu’ils posent dès que le public crie « STOP ». La scène commence alors tout de suite ! Ils sont très bons, très réactifs, et offre de nombreuses émotions ! Ils sont à l’aise, et on pourrait les regarder pendant des heures !
- Great Puppet Hapinness Machine : un spectacle de marionnettes improvisée, avec des marionnettes, une histoire, des chansons ! C’était génial, et il y avait de la substance et des thèmes dramatiques ! C’était génial ! C’était génial !
- Hush : On The Spot, un groupe d’hawaï improvise un film muet. Un spectacle génialissime, universel, purement physique !
Ici le théâtre est majoritairement rempli par des improvisateurs, et il y a une grande communauté rassemblée autour du théâtre. Je pense que ça change le rapport au spectacle et rend sans doute un peu plus tolérant. Mais l’énergie créative est fantastique. Les spectacles sont créatifs, variés, impliqués !
Bilan :
C’était fantastique de rencontrer ces improvisateurs et ces organisations professionnelles qui gèrent de gros théâtre !
Pour autant, ce rêve ne semble pas inaccessible, car ces groupes sont parvenus avec travail et sérieux à créer ces institutions incontournables. Il semble qu’il y ait quelques constantes : une offre culturelle limitée dans la ville d’implantation du théâtre, un groupe large et relativement ouvert, pas de système de « troupe » mais un système de casting pour chaque show…
Quelques idées en vrac :
- J’ai rencontré une improvisatrice technique (au son), qui a travaillé à Loose Moose et formée par Keith : Laura. Elle était fantastique !
- J’ai vu un joueur de Confidence Men (le groupe d’Asaf Ronen), ne pas monter pendant toute la durée du spectacle parce que le spectacle n’avait pas besoin de lui. L’humilité et le sens du spectacle qu’il faut pour ça m’ont épaté !
- C’est difficile d’avoir des conversations intéressantes pendant un festival, mais quand on y arrive, c’est fantastique, et on se sent mieux…
- Seattle est une ville de geeks, il y a des magasins de jeux vidéos vintage tous les 3m, et leur musée a une expo Battle Star Galactica et une expo films d’horreurs…
- Il y a une guerre entre l’impro verbale et l’impro physique, entre l’impro en costume et l’impro en T-shirt, entre l’impro blague et l’impro émotionnelle, … Dans quel camp êtes vous ?
- L’impro stupide, c’est fatiguant. L’impro fraîche peut se regarder pendant des heures !
- L’impro est dans une période de transition, elle peut suffoquer et mourir ou exploser vers la qualité et la créativité.
- On a pas de théâtre d’impro à Paris…
Haha ! J’avais oublié la guerre ! Je rajoute : il y a une guerre entre ceux qui se moquent du public et ceux qui en prennent soin…