La lettre

En impro, vous verrez souvent des lettres… Mais avant de voir quelqu’un la lire, et de connaître son contenu, vous devrez assister au jeu de la patate chaude où tous les improvisateurs vont tout faire pour éviter de la lire :
– Tiens, une lettre pour toi…
– Non, j’ose pas la lire ! Lis la toi !
–  Mais je ne sais pas lire…
– Bon, allons chercher le voisin, c’est lui qui te lit tes lettres…
Dring
– Bonjour cher voisin ! Vous pouvez nous lire cette lettre ?
– Ah, je suis désolé, j’ai pas mes lunettes…
Fin de l’impro

Vous trouverez ici une illustration supplémentaire que les lettres sont un problème en impro…
Ce type de comportement est appelé par Keith Johnstone whimping : avoir peur de dire/définir.

Je vais donc essayer d’expliquer pourquoi ça arrive, et vous donner des moyens d’améliorer la situation !

Pourquoi est-ce si difficile d’improviser une lettre ?

  • Une lettre est l’opposé de l’impro. Elle est écrite est renvoie dans nos esprits l’idée d’une feuille avec une jolie écriture, de nombreux brouillons, bref, un produit fini, sans fautes et sans ratures. On essaye donc de faire une bonne lettre, on a peur, et zou, c’est la panique.
  • Dans nos vies, lorsque nous lisons une lettre, on la lit rarement à voix haute. Au théâtre, on veut que le public connaisse le contenu. Intervient donc ce moment absolument pas naturel où on lit la lettre, qui casse la sincérité.
  • En général, en impro, on nous donne une lettre, on ne choisit pas de recevoir une lettre. On sent alors que l’autre joueur nous met la pression pour lire la lettre (pimping) et on lui renvoie la balle parce qu’après tout, c’est son idée…

Résolvons donc ces problèmes point par point.

La peur de devoir faire bien. Elle est toujours présente, mais encore plus lorsqu’on doit lire une lettre. Toujours les mêmes solutions : se donner le droit à l’erreur. Lire la lettre spontanément. La lettre n’est pas forcément parfaite. Elle peut être mal écrite, rédigée à la hâte. Si vous dîtes n’importe quoi, vous pouvez toujours dire « ah non, j’ai mal lu », ou « ce doit être un code secret, passons la lettre à la flamme pour révéler son véritable message ». Attention à ne pas utiliser ces mécanismes comme une défense (« c’est trop mal écrit, j’arrive pas à lire », « je comprends rien » => retour à la case départ), mais bien comme un mécanisme d’échec vous permettant de dire que vous vous êtes trompé et que vous allez recommencer.

Évitez à tout prix de vous renvoyer la balle, parce qu’implicitement, vous envoyez comme signal que c’est important que ce soit bien fait quand vous la renvoyez, ce qui augmente la peur de vos camarades.

Ensuite, pour le côté peu naturel de lire un lettre en entier, j’ai plusieurs propositions de mises en scène qui permettront d’alléger la peur et rendront cela beaucoup plus naturel :

  • Ne lisez pas la lettre à voix haute. Réagissez émotionnellement et physiquement à sa lecture.  Elle doit vous changer. Ayez une réaction émotionnelle avant de l’ouvrir (étonnement, intérêt, impatience, déléctation, peu importe…), et réagissez à son contenu. Vous pouvez lire des passages à voix haute et les reprendre « Viré ? », « un imbécile fini ?? », etc… Vous pouvez dire le contenu après l’avoir lu silencieusement à quelqu’un sur scène. « Linda vient de m’envoyer une lettre pour m’annoncer qu’elle était enceinte… C’est bizarre de faire ça par courrier non ? ». Encore une fois, n’utilisez pas ça comme un échappatoire pour éviter d’avoir à définir la lettre. Il faudra la définir ! Mais ici, vous la définissez avec votre corps, votre réaction, et par oral (et non un langage écrit).
  • La lecture de la lettre se fait par une « voix off » fournie par un improvisateur hors scène. Dès que vous ouvrez la lettre, un de vos camarade en réserve improvise la lettre. Ce procédé très « cinématographique » permet de répartir la pression (l’improvisateur qui lit la lettre est hors scène et n’est pas sous le regard du public), il peut fournir une lecture neutre ou avec l’émotion de l’auteur pendant que vous tenez la lettre et pouvez y réagir comme vous le feriez naturellement.
  • Intégrez un jeu dedans : lisez la lettre en voix synchronisée, lisez la lettre un mot à la fois. Ceci permet de diminuer la peur et de répartir la responsabilité en la rendant également plus spontanée.

Enfin, en ce qui concerne le « pimping » et le fait que la lettre vient souvent des partenaires, plusieurs solutions : se faire la proposition à soi même (monter sur scène, ouvrir sa boîte aux lettres, voir son courrier en montant ses escaliers, s’installer dans un fauteuil et lire la lettre). D’autre part, comme toujours avec le « pimping », ça dépend de vos partenaires. Vous pouvez donner une lettre à quelqu’un pour qu’il prenne un risque si vous sentez que ça va l’inspirer, mais pas à quelqu’un qui va se planter. Si vous avez confiance l’un dans l’autre, c’est mieux que de faire ça en match sans connaître vos partenaires.

J’espère que ce post vous aidera à surmonter l’épreuve récurrente de la lettre en impro.

 

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