Travailler l’écoute !

Une remarque a déclenché cette réflexion. Au cours d’un débat sur ce que c’est qu’un « bon » improvisateur sur Improfrance, l’un des participant a contribué le message suivant :

  • « Pour moi la première qualité est l’écoute.
    Le public est souvent agréablement surpris par la réactivité et les répliques des joueurs mais sans écoute on ne peut pas réagir et rebondir sur les propositions de l’autre joueur. »

Une idée m’a alors traversé l’esprit : les gens se mettent des bâtons dans les roues pour travailler l’écoute.

Les exercices d’écoute « classique » sont en général des exercices où l’on surcharge les improvisateurs d’informations, et où on l’entraîne à mieux suivre l’information.

On trouve notamment le jeu des balles de couleur, le passage d’énergie en serrant les mains, le miroir, etc…

Ces exercices n’améliorent pas vraiment l’écoute. L’improvisateur n’est pas capable de mieux « écouter ». Il est capable de traiter plus d’information. Mais ce n’est pas vraiment de l’écoute.

Pour couper court, c’est impossible de travailler l’écoute pure. Vous ne sortirez pas d’une séance d’impro avec une meilleure vision ou une meilleure ouïe qu’en entrant.

Cependant, ce qu’on veut améliorer au fond, c’est la capacité de l’improvisateur à puiser dans ce que lui apporte son partenaire pour construire l’impro.

Je pense que cette compétence n’est pas améliorée par le fait que l’improvisateur sait enregistrer plus d’information.

Pour développer ce réflexe, je pense qu’il faut tout d’abord sortir les improvisateurs de leur tête, les empêcher d’anticiper et les rendre spontanés. Le fait d’avoir un « plan » et de savoir où on va s’oppose à l’idée même de l’improvisation, mais pousse également à éliminer toutes les propositions qui ne vont pas dans la bonne direction.

Et comment sortir les improvisateurs de leurs têtes lorsqu’ils doivent faire des phrases de 3 mots, avoir un accent belge, et placer le thème « rhododindron » dans une impro, et monter avec un caucus ! Ceci laisse très peu d’espace à l’autre !

Ainsi, je pense que pour développer l’écoute, il vaut mieux proposer des scènes qui ne partent de rien. Deux personnes sur scène, pas de thème, pas de contrainte…

Cependant, ceci risque de faire peur aux improvisateurs et les pousser à prévoir. Vous pouvez contourner ce problème en leur imposant de n’utiliser dans la scène que ce qui a été apporté par l’autre (et tout prendre comme une proposition : la respiration, la position physique, l’immobilité, etc…)

Un exercice que nous a également enseigné Frank Totino dans la même idée est l’exercice qui force à remarquer quelque chose à propos de l’autre et de le justifier sous la forme d’une question.

J1 : Je vois que vous vous grattez la barbe. Est-ce que vous pensez à vos vacances ?
J2 : Oui, je suis fatigué, j’ai besoin de repos. Je pense partir au Mans…
J3 : Vous soupirez. Est-ce que c’est parce qu’il y a un problème ?
Etc…

Pour résumer, pour bien travailler l’écoute, je pense qu’il faut empêcher les improvisateurs de prévoir, et diminuer les sources extérieures d’inspiration afin qu’ils soient obligés de se reposer sur leur partenaire.

8 commentaires sur “Travailler l’écoute !”

  1. Je n’aime pas le mot « écoute », qui est trop passive comme qualité. C’est souvent un terme fourre-tout qui sert surtout d’excuse et qui donne un feedback faible : « Tu ne m’as pas écouté », « Cette scène manquait d’écoute ».

    Je préfère le mot « connexion » qui est interactif.

    1. « Connexion » implique effectivement mieux le côté interaction et « écoute active », mais ça reste un terme fourre-tout qui donne aussi un feedback faible.

      « On a vraiment senti la connexion sur scène ». « Vous n’étiez pas connectés… »

      1. Si, je trouve que c’est un bon terme. Personnellement, quand je me tourne vers les membres de l’atelier et que je dis « Etaient-ils connectés ? » en parlant des gens sur scène, j’ai des réponses claires et tranchées.

        1. Hmm… Je ne vois pas trop en quoi « connexion » est un terme plus clair que « écoute ». Je reconnais sa valeur ajoutée par rapport à écoute vu que c’est un terme interactif. Cependant, j’ai entendu beaucoup de blabla sur la recherche de la connexion…

  2.  » Instead of telling actors that they must be good listeners (which is
    confusing), we should say, ‘Be altered by what’s said.’  » (Keith Johnstone, Impro For Storytellers, Spontaneity, Giving Presents)

    1. C’est pas mal connexion, mieux que écoute en effet.

      Après moi je répète sans arrêt à mes collègues improvisateurs, que l’écoute c’est avant prendre en compte ce que fait l’autre. Etre altéré. Le secret est là.

      On s’entraine à faire des scènes d’une banalité absolu, du quotidien, et de faire en sorte que celles-ci deviennent passionnantes.
      Pour celà, y a pas de secret, faut que chacun fasse des propositions de l’autre des enjeux vitaux, en étant altéré.
      Le travail se porte aussi du coup sur la variation des altérations, des couleurs.
      Le jeu « c’est mardi » va dans ce sens et pas mal utile.

      Concernant le feedback, c’est pas facile. Dire juste « ce spectacle a manqué d’écoute » c’est effectivement assez vague.
      Personnellement, je dis souvent : « attention, vous avez tendance à jouer seuls, pas mal de scènes avaient de bonnes opportunités que vous n’avez pas saisi, en allant chercher des éléments extérieurs ».

      Et pour saisir concrètement ceci, je fais faire un jeu simple : des improvisations dans lesquelles je donne un top au bout d’une minute, au delà de laquelle il est interdit d’ajouter des éléments extérieurs. Il faut jouer avec ce qui est déjà en place.
      Spontanément, après plusieurs essais, les improvisateurs comprennent qu’il faut placer un maximum d’éléments, mais en même temps trouver rapidement un enjeu aussi, simple et clair.

  3. Je retrouve mon intervention en surfant sur la toile c’est plaisant. 🙂

    Travailler avec un départ sans thème ni caucus est une bonne idée pour forcer le joueur a « être attentif ».

    Je n’ai pas dit « écouter » mais c’est le terme qui me convient le plus : pour être connecté il faut être réceptif à l’autre et interagir avec lui. Si la première condition n’est pas respectée ça ne fonctionne pas (mais, bien entendu, l’écoute seule ne suffit pas pour faire une belle impro).

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