Prendre une voie, avoir une voix !
J’ai été un grand consommateur d’improvisation théâtrale, je le suis moins maintenant. Une des principale raison de ce manque d’apétit vient en partie du fait que dire « c’est de l’impro » suffit bien souvent à donner une idée assez précise de ce qu’on va voir… Paradoxalement !!!
La plus part du temps, je vais voir des gens habillés tout en noir, ou en noir et blanc, faire des blagues (dont l’une sera le passage d’un oiseau en fond de scène), avec des jeux que je connais bien.
Certes, le talent des joueurs va varier, et certains seront plus drôles que d’autres, certains maîtriseront mieux les mécaniques du jeux que les autres…
Mais on assiste alors à l’équivalent d’un sport : les règles sont complètement fixes, et on voit différentes équipes s’y essayer. Mais où est l’art ?
Certes, certains groupes « habillent » leur impro avec un joli emballage, mais à l’intérieur, c’est toujours la même chose. Pour réellement avoir une voix différente, il faut changer sa façon d’improviser !
Il existe des gens qui essayent des choses différentes : la lilyade, eux, les improfessionals, smoking sofa, etc… Cependant, ces groupes sont bien rares !
Il y a une citation que je ne retrouve plus qui dit que l’art, c’est faire des choix. En cherchant, j’ai également trouvé cette citation d’Harry Potter (que je n’ai jamais lu) « Ce sont nos choix qui révèlent qui nous sommes vraiment ; plus que nos capacités ». Je suis effectivement plus intéressé par voir qui sont les joueurs plutôt que de voir à quel point ils savent bien faire ce que tout le monde fait.
Choisir. C’est là que les improvisateurs sont en difficulté. L’improvisation théâtrale a cette notion que tout est possible, et que rien n’est prévu, ce qui pousse les groupes à ne faire aucun choix. On voit alors fleurir des costumes « neutres » (tout en noir) ; on voit des affiches où les joueurs portent des costumes sans aucun rapport entre eux pour montrer que tout est possible…
Tout est possible, et pourtant on voit beaucoup la même chose…
Faire des choix, c’est restreindre ses possibilités. C’est dire non à certaines choses (ouch, c’est dur pour un improvisateur). C’est limiter certaines possibilités pour découvrir un nouveau terrain de jeu.
Quelques idées en vrac pour vous donner des exemples de gens qui ont développé leur voix. Ces exemples ne sont pas tous courronnés de succès, mais comme dit André Gide « Mieux vaut être haï pour ce que l’on est, qu’aimé pour ce que l’on n’est pas. »
- Happiness Puppet Machine : un spectacle de marionnettes improvisé avec des thèmes adultes (psychanalyse, meurtre, etc…)
- On The Spot : ils improvisent un spectacle muet d’un bout à l’autre
- la lilyade : ils improvisent des histoires en rapport avec un défunt (on voit une suite de confession auprès d’un cerceuil puis des scènes)
- Pimprov : 4 macs font des jeux classiques d’impro. C’est difficile à décrire, mais les joueurs jouent des macs (pimps) qui font de l’impro.
Alors, comment développer sa voie/voix ?
Prenez des risques ! Accéptez de ne pas pouvoir TOUT faire dans votre spectacle. Jouez sur le nombre de joueurs (plutôt que de simplement jouer avec qui est dispo), les costumes, le maquillage, le décors, les thèmes que vous allez aborder, le genre. Réfléchissez au type de scène que vous voulez faire : des comptes de fée, des scènes du quotidiens, des scènes choquantes, des histoires bien ficelées…?
Cette dernière étape est sans doute une des plus importante, et une des plus négligée. Les improvisateurs ne regardent que très rarement leur contenu ! Et c’est pourtant ça qui fait l’artiste !
J’espère qu’on verra se développer des styles et des contenus différents dans le paysage français !
Keith a dit lors du dernier stage (je crois, il faut que je retrouve mes notes) : « If you want to do things differently on stage, you have to do things differently off stage. »
On peut faire des choix, mais si la structure organisationnelle est plombée par une organisation où par exemple il faut un consensus permanent, les choix audacieux émergent rarement…
Et puis, c’est triste de se dire : « Si je vais encore voir un spectacle d’impro avec des gens tout en noir, je pète un cable. »
J’ai envie de voir des spectacles avec une voix comme tu dis !
Mais j’ai aussi envie d’être à nouveau émerveillé (comme au début) par des gens tout en noir dans un bar PARCE QU’ILS IMPROVISENT BIEN !
Mais ça veut dire quoi « improvisent bien » ? S’ils improvisent bien, ce sera quelque chose que tu n’as jamais vu avant, avec sans doute l’expression d’un univers personnel ou collectif plutôt que l’utilisation de recettes qui marchent.
Attention, je ne veux pas forcément que tout le monde joue en costume… Par exemple super mega art show, c’est deux types habillés en noir. Mais ils pont choisi une voie : l’absurde et la parodie artistique.
Et tu ne penses pas que c’est un choix très fort que de ne faire que des scènes maître/servants ?
Cependant, je comprends ce que tu veux dire.
Je me méfie des gens qui appellent au « nouveau ». Je n’ai pas besoin qu’un groupe invente son propre format, ses propres jeux, son propre décorum. Je ne crois pas que ce soit indispensable.
En revanche, je me méfie des gens qui ne font aucun choix…
Héhéhé.
« S’ils improvisent bien, ce sera quelque chose que tu n’as jamais vu avant, avec sans doute l’expression d’un univers personnel ou collectif plutôt que l’utilisation de recettes qui marchent. »
Pas forcément. Je pourrais regarder une scène Maitre-Serviteur pendant des heures…