Cet article est un parallèle avec cet article trouvé sur impro-bretagne, à la lecture d’un article sur Keith Johnstone.
J’aimerai commencer par dire que j’aurais pu écrire cet article d’impro-bretagne il y a quelques années. J’étais persuadé qu’il fallait sortir du quotidien pour faire quoi que ce soit d’intéressant. J’ai largement changé d’avis depuis. Pour autant, je pense que l’article écrit par Charlotte Baheu est rigoureusement exact.
Alors qu’est-ce qu’il y a de plus à dire ? Eh bien, je ne crois pas que les scènes dinettes existent, définies dans l’article comme une scène de la vie quotidienne avec un dialogue comme celui retranscrit plus bas,
« – Bonjour Madame.
– Bonjour Madame, qu’est ce que je vous mets aujourd’hui, Comme d’habitude ? Une baguette moulée ?
– Non, aujourd’hui, je vais prendre une boule de campagne.
– Ah ? Tranchée ou pas ?
– Oui s’il vous plait.
– Avec ceci ?
– Ce sera tout.
– 2,8 € S’il vous plait
– J’ai l’appoint si ça vous arrange.
– Merci ça ira. Et 20 centimes qui font trois.
– Merci Madame, au revoir.
– Au revoir et attention à la marche en sortant. »
En tout cas, je n’en ai jamais vu. Ce que j’ai vu, ce sont des scènes qui commencent comme ça, et comme les comédiens paniquent et se rendent compte que ce n’est pas intéressant, ils vont aller chercher le conflit en négociant le prix de la baguette ; ils vont tenter de trouver plein de blagues à coller sur la situation.
Je pense honnêtement que si un groupe d’improvisation arrivait à sortir une scène complètement banale comme celle là, j’aurais une grande admiration, et je prendrai sans doute un certain plaisir à la regarder. Peut être même que j’aurais envie d’une autre pendant le spectacle… Mais je suis d’accord que ce n’est pas suffisant.
En revanche, même si ce n’est pas très clair dans l’article quelle est la « solution », le fait que le titre de l’article parle de « rêve », et l’oppose au « quotidien », je pense que ça peut être compris comme : allez faire de l’extraordinaire, de la fantaisie, de l’imaginaire…
En impro, tout est possible. Et c’est génial. On monte sur scène, et on peut faire n’importe quoi ! Et c’est jouissif à regarder également. Ces pures explosions de spontanéités où une fourmie apprend le karaté et dompte des rats pour gambader dans les près et capturer des papillons. Cependant, ces scènes qui sont jubilatoires ne sont à mon avis pas beaucoup plus satisfaisantes qu’une scène dinette. On en ressort un peu vide.
C’est la question du contenu, du mordant, du message, comme l’article l’évoque : on peut rendre la boulangère intéressante si on y ajoute un point de vue.
Ce n’est pas en faisant de l’extraordinaire qu’on ajoute un point de vue. C’est en ayant un point de vue, et en osant exprimer des choses personnelles.
Et je pense que faire de la fantaisie ou de l’extraordinaire rend plus difficile le fait de transmettre quelque chose.
J’ai envie de voir des scènes du quotidien. Des scènes banales, mais avec un point de vue.
J’ai envie de voir la fille d’un couple gay annoncer à ses parents qu’elle est hétéro, j’ai envie de voir un type sortir de prison avec nul part où aller, j’ai envie de voir un couple tomber amoureux, j’ai envie d’en voir un autre se séparer, j’ai envie de voir une scène de « panne » sexuelle…
Je veux du banal, parce que j’ai plus de facilité à m’identifier à ces scènes qu’à une fourmie karatéka.
Quelles fictions littéraires, cinématographiques, théâtrales, racontent des histoires ou les protagonistes ne sortent pas à un moment donné de leur quotidien ?
Pourquoi raconter cette histoire de rencontre entre un client et une boulangère ?
La réponse peut-être ce dialogue. Mais je suis de l’avis qu’il faut se poser cette dernière question tout de même.
Ce n’est pas exactement mon propos. Je pense que les personnages doivent sortir de « leur » quotidien. Pas forcément sortir du quotidien pour aller dans le « rêve ».
Une rupture, c’est du quotidien, mais ce n’est pas le quotidien des personnages.