C’est un sujet qui fait régulièrement débat sur l’intérêt de que des acteurs puissent jouer des personnages de n’importe quel genre. C’est une question compliquée qui mélange art, politique, éthique, féminisme, droits lgbtqai+… Bref, le sujet parfait pour ce blog.
Le sujet a été traité sur par Hugh, et j’imagine sur de nombreuses autres plateformes. Une récente publication de PayeTonImpro a également réouvert le débat avec un éclairage intéressant.
Définitions
Pour parler de genre et d’impro, commençons par parler de genre.
Le genre est la représentation qu’on a de soi même relative à un ensemble de norme socio-culturelles. Le genre est indépendant de vos gènes, de la forme de vos parties génitales, de la façon dont vous vous habillez, ou de comment vous vous maquillez. Ce genre rentre dans les définitions binaires traditionnelles françaises : homme ou femme, ou en sort (non-binaire, sans genre, genre fluide, genre multiples, etc.). Un genre nous est imposé à la naissance, et il peut correspondre à ce votre genre réel (cis) ou pas (trans).
Les gens que vous rencontrez vont présumer de votre genre à partir de votre apparence, de la façon dont vous vous habillez, de la forme de vos parties génitales, de la longueur de vos cheveux, etc… Si vous êtes cis, le gens tombent juste la plus part du temps, si vous êtes trans, c’est moins souvent le cas.
Jouer d’autres genres que le sien…
Pour faire de belles scènes?
Deux grandes écoles :
- L’école de « on peut jouer tout ce qu’on veut, c’est la liberté de l’artiiiiiiiste »
- L’école de « jouez votre genre. Point. »
Soyons clair, je n’ai jamais vu une bonne scène d’impro où un homme jouait une femme. J’ai vu un paquet de scène horribles où un homme rentrait, faisait une silhouette « gros seins, grosses hanches », prenait une voix aiguë, et faisait plein de blagues misogynes et homophobes. J’ai vu des essais moins ratés car moins caricaturaux, mais je n’ai jamais trouvé que ça rajoutait quelque chose à la scène. J’ai vu des femmes jouer des hommes avec plus de réussite. Souvent car ça leur permet de jouer des personnages que leurs partenaires de scène ne leurs laissent pas jouer autrement.
Au théâtre, j’ai vu des pièces où il y avait juste une « inversion des genres » et ou les actrices jouaient des personnages masculins de des acteurs jouaient des personnages féminins que j’ai trouvé peu intéressant, car le propos de la pièce ou le reste de la mise en scène n’exploitaient pas vraiment ce choix, qui semblait au final très arbitraire. Ce que j’aime voir, c’est lorsque je vois des gens jouer un genre différent du leur lorsque c’est accompagné d’un vrai propos : performance de drag (king ou queen), ou les pièces de théâtres qui parlent de sexualité ou de genre et où il y a une subversion des normes.
Donc, comme toujours, pour moi, ce qui est important, c’est d’être vrai, c’est d’être juste, et de faire des choix assumés. Je suis donc très peu intéressé par voir des gens juste parce que l’envie leur est passée par la tête, en revanche, je suis très intéressé par des gens qui ont réfléchi aux questions de genre et font un choix délibéré.
Pour explorer son genre?
On rejoint ici le témoignage de PayeTonImpro.
Bien sur! L’impro, c’est l’endroit idéal pour aller explorer son genre. La plus part des personnes trans ont besoin d’un espace d’exploration pour essayer d’autres prénoms, d’autres attitudes, d’autres styles vestimentaires… Iels ont été souvent privées d’une adolescence où il était possible de faire ces découvertes. Le théâtre et l’impro sont des lieux idéaux pour ça!
On voit bien à la lecture du témoignage qu’il est crucial de laisser ces personnes avoir ces espace de liberté, et ça peut être n’importe qui : peu importe l’age, le genre perçu, la catégorie socio-professionelle, la famille, l’orientation sexuelle…
Du coup, concrètement…
Pour les joueurs
Ma recommandation pour les joueurs : jouez votre genre, ou un genre dans lequel vous vous reconnaissez et que vous pouvez jouer avec authenticité. Dans quelques cas rares, il peut être intéressant de jouer un genre qui n’est pas le sien, mais franchement, si vous ne vous êtes pas longuement questionné sur les questions de genre, il est plus probable que vous véhiculiez de clichés creux que vous fassiez une belle scène.
De manière générale, et c’est sans doute mon côté non-binaire, mais j’essaie de jouer des personnages au delà du genre. Il m’est arrivé plusieurs fois de jouer des scènes romantiques avec un homme sur scène, et une partie du public projette un homme sur mon personnage, et l’autre une femme. Pour moi, le genre n’est pas toujours important, laissons le public projeter ce qu’il veut.
Pour les profs
Suggérez sans forcer, ni demander aux gens de s’identifier.
Je vous recommande de plutôt émettre des généralités : « je vous recommande de jouer le genre auquel vous vous identifier », mais sans débriefing spécifique « tiens, mais toi tu es un garçon, et tu as joué une fille! C’est pas bien, arrête! » (je caricature). Vous ne connaissez pas le genre de la personne, ni ses désirs/besoins d’exploration.
Ceci dit, même si le besoin de laisser la liberté est important, je pense que nous avons également une responsabilité d’éviter les contenus trop caricaturaux, donc s’il y a un retour à faire, ce serait plutôt de débriefer en disant qu’on a pas ressenti beaucoup de sincérité dans le personnage, et qu’il est souvent plus intéressant de parler de choses qui nous touchent vraiment.
En conclusion
Les questions de genre et d’identité trans sont populaire ces temps ci, profitons en pour mettre en place des bonnes pratiques. Et comme toujours, soyons sincères, authentiques, et parlons de sujets qui nous touchent avec vulnérabilité.
Bonjour Ouardane,
Merci pour vos articles qui sont inspirants pour moi. J’apprécie beaucoup l’impro, que j’ai découverte tardivement dans ma vie. Effectivement la sincérité est primordiale. Cela me paraît en partie limité par le quasi-cantonnement de l’impro dans le burlesque et la caricature. J’ai parfois l’impression que la vulnérabilité est masquée, déniée, évitée par un mécanisme de défense : le rire. Dès lors la profondeur est absente. Les questions de genre sont des étapes clés dans la formation de notre identité et demandent à pouvoir être abordées librement, sans tabous; mais bien sûr avec les limites du consentement du groupe de personnes avec lesquelles on explore les jeux impro-théâtraux.
Bien à vous
Rémi
Je me rappelle quand j’ai débuté l’impro, avant d’avoir les codes (et donc étant libre de faire ce que je voulais), en tant qu’homme je n’hésitais pas à jouer des rôles de femmes ou à donner un personnage du sexe opposé au joueur en face de moi.
Puis, voyant que les gens expérimentés ne faisaient (quasiment) jamais ça, j’ai arrêté de le faire…
Aujourd’hui, j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi tout le monde est d’accord qu’en impro on peut facilement jouer un nuage, un écureuil, la mort, un arbre, une chaise, Dieu, une fourmi, le vent, mais qu’on peut si difficilement jouer un personnage du sexe opposé.
Perso, je trouve ça bien plus simple de jouer une femme que n’importe quoi de non humain.
Je pense que la norme établie (que chacun joue son genre) n’est pas immuable et pourrait en être autrement. Je ne serais pas étonné que dans un autre pays avec une autre culture, la règle soit différente.
« Je pense que la norme établie (que chacun joue son genre) n’est pas immuable et pourrait en être autrement. » > Ce n’est clairement pas immuable, car le procédé est utilisé régulièrement en improvisation et au théâtre. En tout cas, c’est certain que ce n’est pas un règle, et le contenu de cet article discute des nuances =)
« Perso, je trouve ça bien plus simple de jouer une femme que n’importe quoi de non humain. » > Je pense que la question de savoir si c’est « simple » n’est pas aussi important que de savoir si c’est « juste ».
Ma question, c’est : jouer une femme pour dire quoi? (et la question s’applique aussi aux nuages, écureuils, etc…)
Personnellement, je ne crois pas avoir grand chose d’intéressant à raconter que je ne puisse faire qu’en incarnant une femme, et que les femmes avec qui je joue ne sont pas déjà largement capable d’exprimer.
Je joue aussi principalement des humains, mais l’incarnation d’animaux ou d’objets anthropomorphisé peut jouer un rôle intéressant (mais probablement comme personnage secondaire).
Vous en avez discuté avec les femmes avec qui vous jouez?
Oui, ce n’est pas une règle stricte évidemment (vous ne serez pas sanctionné en match si vous jouer le sexe opposé), mais j’ai l’impression que c’est une règle tacite et qu’il est rare que les gens fasse différemment, c’est mon ressenti en tout cas.
« Je pense que la question de savoir si c’est « simple » n’est pas aussi important que de savoir si c’est « juste » »
Je ne sais pas si j’y arrive mais j’essaie d’être juste en tout cas. Je ne joue pas un personnage féminin de manière efféminé ou avec une voix aigue, je ne caricature pas, je joue comme je joue normalement mais avec un prénom ou un statut féminin. Parfois le déroulement d’une scène appelle clairement un personnage féminin (la mère par exemple) et si je suis le dernier en réserve, j’entre sur scène pour jouer ce personnage sans hésiter.
« Vous en avez discuté avec les femmes avec qui vous jouez? » Non, mais je le ferai à l’occasion.