Plusieurs personnes autour de moi m’ont fait part d’une difficulté dont j’aimerai discuter…
J’ai entendu plusieurs fois des gens me dire que lorsque leur partenaire leur offraient un bon gros Tilt (voir Impro for Storytellers de Keith Johnstone. Il s’agit de bousculer une scène établie en y mettant du mystère, de la tension, et en modifiant la relation entre les personnages : deux amis prennent un verre chez l’un d’eux ; le premier s’absente en cuisine, le deuxième farfouille dans sa penderie à la recherche de la chemise qu’il a prêté au premier, lorsque soudain « Mais qu’est-ce que c’est que ces costumes en cuir avec un B rouge sur la poitrine dans ta penderie ? T’es un super héros ? ») lors d’une scène, ils n’avaient pas forcément envie d’y réagir, de le saisir, de monter en émotion. Je trouve ça un peu paradoxal, dans le sens où même des joueurs confirmés convaincus par la théorie de Keith m’en ont fait part… Ils savent donc que le public n’attend qu’une chose, c’est de voir la réaction, et pourtant, n’ont pas envie de s’y prêter.
Je pense que c’est dû à plusieurs facteurs.
Le premier, c’est la responsabilité du tilteur : apporter un Tilt est certes un magnifique cadeau, mais comme tous les cadeau, c’est le geste qui compte, certes, mais si on a réfléchit à qui on allait l’offrir et qu’on le choisit bien, c’est mieux, plutôt que d’offrir un cadeau qu’on aurait aimé avoir pour soi. Ainsi, il est important de choisir un Tilt qu’on espère va plaire à l’autre, et l’offrir à un moment opportun, c’est à dire, pas trop tôt, pour avoir bien préparé le terrain, ni trop tard…
Le deuxième, c’est la responsabilité du tilté : la plus part des gens n’ont pas envie de fondre en larme, ou de s’énerver pour réagir à une nouvelle du type « ton père est mort », ou « j’ai tué ta femme ». Ben, pourquoi le faire ? N’importe quelle réaction, n’importe quelle émotion est utilisable ! Prenez la première qui vient, même si c’est de la joie, et justifiez après coup !
Deux amis d’enfance sont à la pêche.
- Tiens, hier, je roulais pour venir chez toi, et sur la route, j’ai vu passer ta femme…
- Ah ? Tu l’as vue ! Elle n’est pas rentrée depuis hier justement !
- Oui, je sais, je l’ai écrasée. Elle m’énervait.
- Quoi ? Mais c’est une fantastique nouvelle ! Depuis le temps que j’avais envie de le faire sans oser sauter le pas ! Rhalala, tu ne peux pas savoir le poids qui vient de se soulever de ma poitrine !
Ils se tombent dans les bras l’un de l’autre
- Heu, mais… Ah bon ?
- Mais oui, c’est une formidable nouvelle… On va avoir bien plus de temps pour nous deux, pour aller pêcher !
- Je suis content que tu le prennes comme ça, tu me files un coup de main, j’ai laissé le corps dans mon coffre.
- Heu, je préfèrerai que tu t’en occupes, ça fait 5 ans qu’on ne couche plus ensemble, l’idée de la toucher me répugne…
- Bon, ben j’y vais…
Les émotions positives sont plus risquées, parce qu’elles ne doivent pas être des déflexions pour éviter d’être changé. Elles doivent être volcaniquement sincères. Elles ne sont pas là pour simplement tirer un rire au public et passer au problème suivant… mais plutôt révéler quelque chose sur le personnage.