J’ai souvent un débat avec H, à propos de la notion de « prendre soin des autres ».
Nous utilisons une pratique que j’ai volé aux Impronautes (atelier de Eux) : le « Again », qui consiste à agiter bêtement ses mains en l’air en lançant un grand « Agaaaaaaaaaain », lorsqu’on se sent mal, qu’on est dans sa tête, qu’on a pas envie de pousser la scène/l’exercice plus loin.
H pense que parfois, il faut souffrir pour progresser et se forcer un peu. Il a tendance à parler d’ « impro bisounours » avec un brin de sarcasme.
A l’inverse, l’un des membre de META me regarde avec des grands yeux pleins de peur et a généralement ce commentaire « c’est violent ! » lorsqu’on fait un exercice ou un jeu sur scène où il y a une élimination ou alors qu’on met en évidence que quelque chose ne va pas (exemple : l’exercice de Keith Johnstone où le but est de tenir en attention un groupe de personne. Toute personne qui n’est plus intéressée par la scène sort de la salle).
Je trouve que ça, c’est du bisounours : « surtout, ne nous mettons JAMAIS dans une situation où on pourrait échouer, éliminer quelqu’un étant une trace de rejet qui restera à graver à jamaaaaaaaaais dans le fond du coeur de la personne ».
On ne peut clairement rien apprendre, ni progresser sans faire des erreurs. Ne pas prendre le risque d’échouer, c’est s’enfermer dans la médiocrité.
En revanche, même s’il faut prendre des risques, et accepter d’échouer, il est important que le groupe et les individus fassent en sortent que ces échecs ne soient pas perçus comme des traumatismes, et que même dans l’échec, tout le monde se sente bien.
A partir du moment les échecs deviennent des souffrances, nous ne sommes plus en situation de progrès et d’apprentissage.
Bref, prendre soin des autres ne veut pas dire faire en sorte qu’ils n’échouent jamais, mais que leurs échecs ne soient pas une souffrance !
L’impro bisounours c’est l’impro sans risque. L’impro que j’aime, c’est l’impro sans douleur !
Mais n’est-ce pas cette douleur qui fait qu’on se souvient si bien de nos échecs ? De plus, douleur n’implique pas nécessairement traumatisme … Si je pousse ton raisonnement, j’en déduirais plutôt qu’on doit prendre des risques et qu’on peut aller jusqu’à se faire mal, mais qu’il ne doit pas rester de sentiments refoulés ni de peur inconsciente. Dans ce cadre, le « Again » ne devrait pas être une soupape de sécurité pour la douleur, mais plutôt un moyen de l’exprimer.
(Oui, je me protège en me plaçant sous hypothèse, mais je ne peux retenir mon côté logicien).
Intéressant.
Je suis d’accord avec ta deuxième phrase : on peut se faire mal, mais on ne doit pas en garder de trace négative : Keith Johnstone évoque avec justesse que lorsqu’on joue avec un enfant, il peut arriver qu’on se fasse très mal (jouer à se taper, se claquer les mains, sabeth sallom, etc…) mais que le fait de garder un esprit positif d’amusement fait que cette douleur provoque des rires, alors que donner une petite fessée (peut-être même moins douloureuse) à un enfant en le grondant lui fera couler un torrent de larmes.
Le « Again » remplit alors parfaitement sa fonction, puisqu’il est là pour exprimer le sentiment de malaise, le « là, je ne m’amuse plus ».
Si on revient sur l’exercice qu’on a fait et qui nécessitait de faire tout particulièrement attention au fait que tout le monde se sente bien en jouant :
Une personne doit garder l’attention du public le plus longtemps possible. Dès qu’un membre du public n’est plus intéressé, il quitte la salle. Le jeu s’arrête quand il ne reste plus personne (ou que la moitié des gens sont partis pour les groupes plus importants).
Il y a deux façon de le vivre : s’amuser à essayer de garder les gens le plus longtemps possible, ou être terrorisé à l’idée que quelqu’un parte ! La première version mène à un apprentissage efficace et positif, la deuxième n’apporte à mon avis pas grand chose ! C’est évidemment de la responsabilité de celui ou celle qui dirige le jeu de s’assurer qu’elle instaure cette ambiance de jeu, et pas aux joueurs !
« On ne peut clairement rien apprendre, ni progresser sans faire des erreurs. Ne pas prendre le risque d’échouer, c’est s’enfermer dans la médiocrité. »
C’est joli ça, j’aime beaucoup.