Impro : sport ou art ?

L’improvisation théâtrale, est-elle un art ? Un sport ?

Vous l’avez forcément noté, il y a énormément d’inspiration du sport dans l’improvisation théâtrale : Match d’impro, Theatersports, Catch d’Impro, Gorilla Theater (compétition entre les directeurs), Micetro (compétition entre les joueurs), etc…

Ce parallèle vient du fait que contrairement à une représentation artistique classique, l’issu du spectacle (sa réussite), n’est pas connue ! On ne peut pas savoir si le spectacle sera bien ou pas à l’avance… Comme pour le sport ! Et même si les joueurs sont fantastiques, et même si les équipes sont géniales, il arrive que certains soirs le match soit nul, ou que le spectacle soit nul.

Et c’est aussi ça qui fascine : la prise de risque, l’issue incertaine…

Ce parallèle ne vient pas sans son lot de travers :
L’improvisation devient une excuse à la médiocrité. On excuse auprès du public la mauvaise qualité du spectacle par le fait que c’est improvisé. Ca me rappelle ce spectacle ou après qu’un acteur soit descendu de scène pour retrouver sa famille, la première phrase qui lui ait été dite était : « c’était dur, hein ? »… Oui, alors ça excuse tout…
Ca crée aussi un esprit de compétition réel. Les équipes s’affrontent plutôt que de jouer ensemble. La défaite devient déception, et on n’échoue plus avec enthousiasme, ce qui est toujours  très désagréable à regarder pour le public.

L’improvisation théâtrale est-elle un art ? H affirme que non. Pour une raison toute simple : « tu ne sais pas ce que tu vas dire avant de monter. Il n’y a donc pas de message ! »

L’idée est terriblement séduisante, de par sa simplicité et de son évidence.

Pourtant, j’ai tout de même envie de la nuancer. L’improvisation théâtrale n’est en effet pas un art pour moi. Du moins, elle ne l’est pas automatiquement. Mettez deux joueurs sur scène, il est très probable qu’ils soient drôles, mais qui ne produisent pas le moindre kopeck d’art.

Je pense (avec l’humilité de quelqu’un qui s’aventure sur une corniche enneigée au dessus d’un précipice) que l’improvisation théâtrale devient un véritable art lorsqu’elle est spontanée et sincère. Accepter de poser son armure et révéler au public une part de soi. Évoquer ses propres craintes, ses enthousiasmes, ses sentiments profonds. Lorsqu’un joueur accepte de se rendre vulnérable au point où son jeu ne consiste plus à une suite de phrases bien senties, mais en une véritable expression de lui même, l’impro devient un art, qui touche, qui émeut, qui fait réfléchir.

J’aimerai tellement entendre un jour « j’ai vu une improvisation sur les relations mère-fils qui m’a fait réfléchir à mon rapport avec ma mère ». Mais pour en arriver là, il faut accepter de ne pas se protéger avec une blague, et de suivre son instinct, de s’ouvrir à son partenaire et au public.

En guise de conclusion, l’improvisation n’est ni un sport ni un art au départ. Parfois, l’impro penche vers le sport, la transformant en une sorte de compétition de blague, parfois l’impro penche vers l’art lorsque l’on accepte d’aborder des thèmes qui nous touchent.

8 commentaires sur “Impro : sport ou art ?”

  1. Hello Ouardane,
    Ça fait bien plaisir de voir un improvisateur qui a de réelles ambitions pour l’art qu’il pratique!
    Je voulais juste nuancer le début de ton billet, quant aux origines du parallèle entre sport et improvisation. À mon avis, c’est davantage dû à l’esthétique des premiers concepts « modernes » (dont tu dresses l’inventaire) qui ont utilisé le décorum sportif (comme prétexte) pour habiller leurs spectacles. L’analogie a fait tache d’encre sur l’organisation de « ligues », organisées en « équipes », « entraînées » par un « coach », etc…
    En guise de contre-exemple, le Harold répond à ton critère de non-prévisibilité de l’issue du spectacle, mais n’a rien, rien à voir avec un quelconque sport (ou alors… le tennis et ses trois sets… moui… éventuellement…).

    1. Merci pour le commentaire =)

      Tu as raison, mais je pense tout de même que cette esthétique vient du fait que comme dans le sport, il y a une prise de risque.

      Dans le Harold aussi, certes, mais le format n’a pas décidé de mettre en avant cette prise de risque.

      Je crois que c’est une notion qui est effectivement très important dans l’improvisation, et que certaines personnes l’ont très bien compris !

      J’ai entendu parler de tonnes de troupes qui s’ennuient dans leurs spectacles et qui créent des « catégories » de plus en plus compliquées pour leur cabaret, en espérant qu’en augmentant la prise de risque avec des contraintes, ils retrouveront le plaisir qu’ils avaient lorsqu’ils découvraient leurs premières catégories, et qu’ils n’étaient pas encore fort à les jouer.

      Cependant, je pense que bien qu’ils aient bien saisi que la prise de risque est centrale, ils s’égarent, car comme dit Keith, un risque, si on est certain de se planter n’est plus un risque (improvisation immobile, totem public, à la manière de molière ! Ca me rappelle l’immobile sans parole qu’on avait joué lors d’un match…)

      Je pense que c’est aussi indirectement pour ça que certaines personnes sont très protectrices vis à vis du format du Match. Comme ils ne sont plus satisfait de comment se passent les Matchs aujourd’hui, ils pensent que ça vient du non respect parfait du décorum.

      Et comment remettre le risque au centre de notre impro ? Éviter le playwritting, et devenir spontané à tel point qu’on se surprend soi même !

  2. Yo c’est H (l’homme qui dit que l’impro n’est pas un art)!

    Je rectifie un peu. Je pense que ce n’est pas un art comme les autres et j’essaie de comprendre pourquoi elle est méprisée par le théâtre (qui s’en sert néanmoins).
    L’art dans le sens, transmettre un message, un engagement, en effet l’impro est dénuée de cela, c’est son avantage et son inconvénient.
    Je m’explique. Si je veux m’engager pour l’Egypte et que dans mon impro je fais un Egyptien battu par la police, 2 solutions:
    Soit j’ai préparé mon engagement et ce n’est plus de l’impro
    Soit j’ai vraiment improvisé et donc va savoir si je partage les idées de mon inspiration inconsciente.

    L’impro a donc l’avantage d’être spontanée mais l’inconvénient de ne pas pouvoir transmettre une idée.
    C’est pour cette raison qu’en plus de l’impro je pratique d’autres forme d’art. Le travail du texte est une autre forme d’expression plus au service des idées que de la spontanéité.

    Ce que je reproche à beaucoup d’improvisateur, c’est de considérer l’impro comme art maitre.
    Pour moi l’impro aide aux autres arts et les autres arts aident à l’impro (donc je reproche au théâtre de mépriser l’impro).

    En revanche, l’impro est un art à part entière dans le fait qu’elle transmet des émotions (volontairement?). Mais tout le problème se situe dans le moment présent, à partir de quand tu as visé l’émotion? L’acteur qui veut faire rire improvise-t-il le rire parce que la situation s’y prête? Ou veut-il faire rire au moment où il met le pied sur scène?

    H

  3. C’est là où je ne suis pas d’accord. Si tu as vraiment improvisé, tu as été spontané, et tu n’as pas censuré les idées qui venaient de ton subconscient, et donc tu exprimes ton sentiment profond. La spontanéité permet de transmettre un message. Un message dont on est pas forcément conscient, mais qu’on porte quand même.

    Les poètes ne sont pas tous des travailleurs acharnés qui retravaillent leurs poèmes jusqu’à ce qu’ils expriment exactement ce qu’ils veulent dire ! Ils écrivent avec leur ressenti. Il ne se disent pas « je vais faire un poème sur l’amour » puis se mettent à parler de fleurs et d’abeilles qui butinent, ils écrivent sur ce qui les inspirent et on se rend compte à la fin que ça parlait d’amour.

    L’impro devient donc un art lorsqu’on accepte de ne plus censurer son inconscient.

  4. « tu exprimes ton sentiment profond. La spontanéité permet de transmettre un message »

    Je comprend pas tu exprime un sentiment ou un message dans ta spontanéité?

    J’entend message par idée. Genre : »Facebook m’énerve j’ai envie de le dire ».
    Si j’improvise vraiment je ne sais pas si à la fin de la scène Facebook ne sera pas un truc super. Je ne maitriserai pas mon idée. Ainsi l’improvisation n’est pas le bon canal pour transmettre mes idées.

    C’est ce que je veux dire.
    D’autre part j’ai dit: »En revanche, l’impro est un art à part entière dans le fait qu’elle transmet des émotions ».

    Ainsi je suis d’accord avec toi sur la spontanéité et le langage du subconscient. Le message du subconscient pour moi c’est un ressenti, une émotion… mais un message je ne sais pas. A discuter.

    H

    1. A mon avis, si tu improvises sur Facebook, que tu es spontané et que l’impro finit par faire apparaître Facebook comme un super truc, c’est qu’inconsciemment, tu aimes Facebook !

      Je ne pense pas qu’il faille monter sur scène en se disant « ce soir, je veux faire comprendre à tout le monde que polluer c’est mal », mais plutôt se dire « et si on parlait de l’environnement » et créer une scène sur ce thème là.

      Et si on est spontané, si on sincères, alors notre vision, notre message, notre poésie autour de l’environnement sera transmise ! Surtout si on le fait sans réfléchir ! Parce que ce sera notre inconscient qui jouera pour nous ! Et le message passera peut être ?

    1. Grave… Ca fout les jetons !

      C’est pour ça que tout le monde se protège en jouant des personnages très différents de lui même, en refusant, en bloquant l’action, en posant des questions, en refusant de réagir, en ne montrant pas ses émotions…

      Mais c’est aussi ce que le public est venu découvrir : qui tu es 😉

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