J’ai récemment attaqué la lecture du classique « la préparation de l’acteur » de Stanislavski.
Il y a plusieurs raisons à celà : c’est un, sinon le, texte classique sur le comédien de théâtre. N’ayant jamais fait de théâtre, je me suis toujours interrogé sur les différences qu’il pouvait y avoir avec l’improvisation, et je voulais voir quelles étaient les différences sur les approches et théories. De plus, Keith Johnstone y fait référence dans Impro.
Armé de toutes ces bonnes raisons, je me lance dans le livre qui est assez agréable à lire car il raconte l’histoire des acteurs, même s’il est un peu pénible de voir les héros échouer et être critiqués en permanence.
J’avoue que j’ai été très surpris ! J’ai toujours été persuadé que l’approche du théâtre reposait sur des codes établis (ce qui donnait ces déplacements très codifiés, comme des danseurs, ces façon de déclamer le texte si typiques, etc.). Je pensais que pour être un bon comédien de théâtre, il fallait être capable d’exprimer techniquement une émotion sans pour autant la ressentir.
J’avoue que j’ai été très surpris, mais également profondément réjouis, quand j’ai découvert que cette méthode était vivement critiquée dans le texte, et dénommée « jeu mécanique ».
Unfortunately, there is far more bad taste in the world than good. In the place of nobility a sort of showiness has been created, prettiness in place of beauty, theatrical effect in the place of expressiveness.
The very worst fact is that clichés will fill up every empty spot in a role, which is not already solid with living feeling. Moreover, they often rush in ahead of feeling, and bar the road ; that is why an actor must protect himself most conscientiously against such device. And this is true even of gifted actors, capable of creativeness.
Stanislavski méprise complètement cette méthode, et en propose une autre basé sur la sincérité et le ressenti, avec une similitude complète avec ce que j’ai pu expérimenter et lire en improvisation théâtrale.
Ceci m’a fait réalisé à quel point certains improvisateurs versent largement dans cette approche, en tentant d’exprimer des choses au travers de clichés. Et ce, tout particulièrement dans les catégories « à la manière de ».
Que faire alors ? Stanislavski affirme que pour préparer un rôle, il faut s’en imprégner jusqu’à la comprendre et qu’il devienne soi, afin d’exprimer des émotions sincères.
Pour ceux qui veulent travailler les « à la manière de », ce travail est possible !
A la manière de Molière ne devrait pas être une histoire d’un amant qui se fait passer pour un médecin. Nous avons tous déjà vu cette scène des dizaines de fois, et elle nous a rarement diverti ! Si nous voulons travailler la catégorie, instruisons nous sur l’époque, ses meurs, ses codes, ses valeurs, son parlé, son vocabulaire… On pourra alors jouer n’importe quelle histoire sincère dans cet univers, et le public reconnaîtra Molière, même si c’est l’histoire d’un vol, ou une scène entre deux serviteurs dans la cuisine.
Au delà du travail sur les catégories, et si on essayait de construire sur nos émotions sincères et spontanées, plutôt que de tenter de coller des images préconçues sur ce que nous pensons exprimer nos émotions (bon, mon personnage est en colère, alors il va crier, serrer les poings, et contracter la mâchoire).
Nabla dit souvent que nous ne sommes pas des acteurs de théâtre, mais finalement, selon Stanislavski, nous ne sommes pas si différents 🙂
Pour commencer bonjour!
Je suis improviateur depuis une dizaine d’année, je me suis pas mal interrogé dans mon coin et en discutant avec mon entourrage, et depuis quelques temps (mettons quelques années quand même), je me suis tourné vers la littérature et certaines sources en ligne, deux éléments plutôt nourrissants. Je suis arrivé ici un peu par hasard, mais je me reconnait souvent dans tes réflexions, donc je me lance et m’exprime. J’en met pas plus, c’est juste pour me présenter un brin avant de l’ouvrir.
J’ai aussi dévoré Stanislavski, c’est riche en enseignements.
Ce que j’ai envie de préciser, c’est que cette opposition théâtre « technique » contre théâtre « vécu » (j’ai pas de meilleurs termes qui me viennent pour l’instant) existe depuis bien longtemps. C’est d’ailleurs déjà le sujet du « Paradoxe du comédien » de Diderot (intéressant, soit dit en passant). Du coup j’aurais tendance à me dire que si ces deux tendances cohabitent depuis si longtemps, c’est que peut-être elles ont chacunes leurs qualités.
D’autre part je me méfie un peu des mises en opposition. Je ne pense pas que la maîtrise technique et précise d’outils expressifs soit néfaste à l’expression d’une émotion vécue. Je préconiserais, et c’est ce que je propose en général à mes élèves, de travailler sur les deux éléments. En fait je n’y vois rien de contradictoire.
En résumé, je pense qu’il faut habituer le corps à montrer ce qu’on a à l’intérieur. On pose donc des outils techniques sur un fond vécu.
Merci pour ce commentaire ! Enchanté de faire ta connaissance, et encore plus d’avoir quelqu’un avec qui échanger =)
Effectivement, tu as sans doute raison, cela dit, j’ai quand même l’impression que tu mets la technique au service de la sincérité, ce qui est très différent que d’avoir une approche purement mécanique de répétition.
Ainsi, même si les deux démarches ne sont pas forcément opposées dans leur fonctionnement (je crois aussi qu’il faut savoir placer sa voix, être maître de son corps, avoir des notions de mise en scène, etc.), elles le sont dans leur finalité. On ne peut à la fois vouloir que l’expression de l’acteur soit la capacité de simuler n’importe quoi sans ressentir, et qu’il vive entièrement tout ce qui se passe sur scène. Mais peut-être vois tu les choses différemment ?
Si tu as le temps, est-ce que tu pourrais partager avec nous les ressources que tu consultes (livres et ressources en ligne) ? Je suis toujours friand de nouvelles sources de lectures et de réflexions !
Je crois qu’on est assez d’accord, en fait.
Effectivement, comme tu l’as écrit, je considère que la technique doit être au service de la sincérité. Là où je voulais nuancer, c’est qu’on a tendance à vouloir se réclamer d’une « école », alors que dans le fond, il y a des choses à prendre par ci, et d’autres par là, donc il ne faudrait rien écarter par principe, à mon avis.
Sinon, côté lectures et sources internet, je n’ai pas grand-chose à apporter dont on ne parle dans ces pages ou celles du caucus… Désolé.
Au plaisir!
« Je suis un acteur qui improvise. » Je trouve cette pensée hyper puissante et très utile personnellement lorsque je monte sur scène.
http://yesand.com/2009/10/acting-the-part-of-the-actor-who-improvises/
Cool, merci pour le lien =)
Je pense que ne pas se définir comme un acteur/artiste, c’est aussi une façon de se protéger, et de ne pas assumer la responsabilité de bien jouer, d’être juste, et de produire un contenu qui a de la substance.
« Ah nan, moi je ne suis pas un acteur, ni un artiste, du coup, ça va si je fais juste des blagues en jouant mal »
True dat!