Je discutais avec un ami improvisateur récemment, et il me disait qu’il ne se sentait pas très bien dans certaines situations d’impro, parce qu’il avait trop d’instruction. Plein d’instructions à suivre, plein de théories à respecter, et que ça le bloquait complètement et que ça le maintenait « dans sa tête ».
Je pense que c’est un sentiment que nombre partage, et c’est même décrit dans « la préparation de l’acteur » de Stanislavski
Vassili said today that it seemed to him not only difficult but impossible to be thinking at one and the same time about your role, technical methods, the audience, the words of your part, your cues, and several points of attention as well
« You fell powerless in the face of such a task », said the Directeur, « and yet any simple juggler in a circuls would have no hesitation in handling far more complicated things, risking his life as he does it ».
« The reason he can do this is that attention is built in many layers and they do not interfere with one another. Fortunaltely, habit makes a large part of your attention automatic. The most difficult time is in the early stages of learning ».
Je trouve ce passage très intéressant, et il répond à mon avis à moitié bien au problème. Certes l’habitude rendra facile avec l’habitude toutes les théories qu’on essaye de s’imposer au début.
Je pense qu’ajouté à cela, on peut essayer la méthode de Keith Johnstone, qui à mon avis s’oppose ici un peu à Stanislavski qui est de ne pas se concentrer. Laisser son esprit vagabonder et ne surtout pas monter avec de la théorie dans la tête ! La théorie, c’est bien pour avant, après, diriger un atelier, un entraînement, analyser une scène, mais pas pour jouer. Laissez la théorie dans la tête de quelqu’un qui vous donnera des indications pendant la scène ou après pour affûter vos réflexes et vos habitudes.
L’autre force qui mène à ce sentiment de trop de théorie dans la tête, c’est évidemment, encore en toujours, la peur de se tromper ! C’est comme de marcher sur une poutre ! Nous sommes tous capables de marcher au sol sur une bande de 8cm de large sur 4m de long. En revanche, dès que c’est un peu en hauteur, et qu’il n’y a plus de sol à côté, et qu’on peut donc faire une erreur, alors la peur nous envahit, et on est plus capable de rien faire !
Pour se libérer, il faut donc accepter d’enfreindre la théorie, de se tromper, de se dire « ah oui, tiens, là j’ai pas fait comme ça, et c’était pas terrible… ». Prendre le risque de faire quelque chose qui sera « faux », qui sera hors de la théorie.
Je crois qu’il est aussi très important, comme pour tout en improvisation, d’aborder l’exercice et la théorie avec très peu de sérieux (oui, je sais, ça fait bizarre quand c’est moi qui dit ça). Du moins, dans sa pratique. Se dire « tiens, si on jouait à essayer ça », plutôt que de se dire « cette théorie, c’est la LOI », et d’essayer de jouer avec, de voir ce qui nous amuse dedans, et ce qui nous ennuie, de perdre avec un bon fond à jouer à la théorie, et de gagner…
Bref, prendre des risques et s’amuser !