Lors du dernier entraînement, j’ai remarqué un point assez intéressant que j’aimerai partager avec vous.
Nous jouions à « Entrez par une porte inhabituelle« . L’exercice consiste à jouer une scène très simple à deux personnes qui doivent jouer chez l’un des deux joueurs, et décrire l’appartement (au cours d’une visite car l’invité vient pour la première fois).
Les joueurs commençaient bien l’exercice, et ils nous ont décrit deux fauteuils tigré et léopard (ou vache, je ne sais plus).
La réponse de l’hôte qui accueillais l’autre joueur a été « Ah nan, mais c’est pas moi qui les ait choisis ».
Un peu plus tard, le même joueur jouait dans une autre scène où il y avait des sièges de TGV en guise de fauteuils. Il s’est assis, et a dit « c’est dommage qu’il n’y ait pas de tablette ». Alors que son imagination lui avait donné une tablette, et qu’elle pouvait définir ce qu’elle voulait, elle a choisit qu’il n’y ait pas de tablette et de le faire remarquer, plutôt que de la créer.
J’ai l’impression qu’on le fait très souvent en improvisation : nous n’assumons pas le contenu de la scène, tant au niveau de l’acteur que du personnage.
Le problème, c’est que le public aimerait en apprendre plus sur les personnages et les acteurs, et préférerait largement savoir ce qu’ils ont choisi et apprendre à les connaître plutôt que de voir tous les trucs qu’ils n’assument pas dans leur vie.
(Ceci est une sale généralité qui est évidemment fausse, car il n’y a pas de règles, tous les choix peuvent donner de bonnes scènes, mais ces choix doivent être faits pour de bonne raisons)
Et pensez à toutes les fois où on assume pas ce qui se passe sur scène : lorsqu’on joue quelqu’un de saoul, ou de drogué, lorsqu’on termine une scène par « coupez ! » ou « en fait, tout ceci n’était qu’un rêve »… Et ça passe aussi par notre jeu, lorsqu’on joue au « second degré » et que tout un tas d’indices montrent au public qu’on se moque aussi un peu de notre personnage.
Comme dit Nabla, c’est une façon de dire au public « Vous trouvez ça nul, mais ne vous inquiétez pas, moi aussi… »
Mais que faire ? Tout d’abord, il faut se persuader que nous ne sommes pas responsables de la scène. C’est une idée qui peut paraître saugrenue à première vue, surtout si vous avez l’habitude de jouer en match, parce que si vous vous risquez à faire une dotation (donner des informations sur votre partenaire), vous vous ferez siffler une rudesse.
Mais si on y regarde de plus près, même si on ne définit pas son partenaire, on joue avec lui, il nous inspire, il participe à la scène. La scène finit donc toujours pas être une création commune qui échappe au contrôle de chaque individu. On ne peut donc jamais savoir qui a vraiment initié une décision ou un choix. Inutile de vous sentir responsable de la scène, alors que vous ne savez pas vraiment d’où viennent les choix qui sont faits !
Plus difficile : ne vous sentez pas non plus responsable de votre imagination ! Votre personnalité, qui vous êtes, est modelé par ce que vous censurez, ce que vous choisissez de faire ou dire, et ce que vous avalez. Mais une partie de votre cerveau génère en permanence des idées qui sont issus de votre passé, votre expérience, de votre environnement, de votre culture, votre personnalité fait juste le tri !
Si vous y réfléchissez un peu, vous y trouverez une vérité. Nous avons tous des pulsions inconscientes terrifiantes : pulsion du suicide (lorsque nous sommes attirés par le vide), pulsion de meurtre (pousser quelqu’un sur la route, sur les rails du métro), pulsions sexuelles (fantasmes)… On a tous régulièrement ces pulsions qu’on choisit de ne pas suivre.
Mais sur une scène d’improvisation, nous gommons notre personnalité, et suivons juste nos instincts, en automatique. Votre personnalité ne peut donc être tenu responsable des choix que vous donne votre imagination.
Si vous êtes convaincu de ça, vous vous laisserez sans doute plus aller à ne plus vous sentir obligés de signifier au public que vous n’assumez pas vraiment ce qui se passe sur scène.
Pour travailler cet aspect, l’exercice des Chaises Multiples peut aider.