J’aimerai partager quelques réflexions qui m’animent ces derniers temps.
La lecture de Petit Organon pour le Théâtre de Brecht a remis en question certaines de mes considérations sur l’art.
J’ai longtemps pensé que l’Art était là pour élever les gens, leur apprendre des choses. C’est sans doute du au fait que notre confrontation à la littérature et au théâtre se fait principalement à l’école dans une démarche d’apprentissage.
Puis, j’ai trouvé la réflexion de Keith Johnstone insidieusement intéressante, lorsqu’il dit que peut-être que ce n’est pas aux artistes d’apprendre quelque chose à son public, mais l’inverse. Le public, lorsqu’il est en groupe et qu’il réagit comme un seul homme, donne de la connaissance aux gens sur scène. Et les artistes peuvent alors découvrir quelque chose sur le fonctionnement des Hommes.
Brecht semble affirmer catégoriquement que le principal but du théâtre est celui de divertir. Peu importe qu’il soit élevé ou bas, tant qu’il accomplit sa fonction. Là, je pense que Keith Johnstone divergerai de l’avis de Brecht, lui qui veut tendre à exprimer des vérités sur l’Homme et ses relations, et à tendance à mépriser les « light entertainement » (divertissements légers).
J’aurais tendance à penser que le divertissement n’est pas la fonction principale du théâtre, mais sa nécessité. Il est nécessaire et requis que le théâtre divertisse. Si en plus, le public peut repartir avec quelque chose, je crois que c’est encore mieux !
J’ai été assez atterré par l’histoire du Piss Christ. Une photographie représentant un crucifix dans de l’urine. L’œuvre a déclenché une manifestation de catholiques qui a fini par dégénérer, l’œuvre a été vandalisée et un gardien blessé.
Je trouve la situation assez ironique car les catholiques manifestant pour le respect de leurs symboles finissent par se comporter en zélotes inquisiteurs ce qui les plonge directement dans le cliché dont ils tentent de se défendre.
Je trouve également hallucinant qu’on puisse lire l’œuvre au premier degré. Ou alors fustigeons Ray Bradbury qui fait l’apologie des auto-da-fé dans Farenheit, maudissons Orwell pour qui la société idéale est totalitaire dans 1984, accusons Shakespeare de nous expliquer qu’il faut affamer sa femme pour la dompter dans la Mégère Apprivoisée.
Toutefois, je peux comprendre que le blasphème puisse choquer.
Ce qui m’amène à la question : l’Art peut-il se permettre de représenter ce qu’il veut ?
A cette question, je pense que la seule réponse possible est « oui », l’art peut représenter ce qu’il veut. Il y a une sorte de sélection naturelle dans l’art. Une pièce qui n’émeut pas un large public et fait résonne profondément en nous connaîtra un succès bien maigre. Une œuvre qui choque touche quelque chose de profond, et je loue les protestations que ça peut provoquer. Je pense réellement qu’il ne faut pas pousser les artistes à l’auto-censure et les laisser s’exprimer le plus librement possible.
En revanche, il me semble nécessaire que leur travail soit présenté avec soin et tact, et si quelqu’un choisi de l’exposer, c’est sa responsabilité que l’œuvre soit respectueuse dans la mesure du possible du plus grand nombre.
Pour en arriver enfin à l’impro, nous avons ce terrible rôle d’être à la fois les artistes qui produisent, et les personnes qui exposent.
En tant que producteurs d’Art, nous ne devrions pas nous censurer, et laisser purement libre court à notre imagination et notre spontanéité. En tant qu’exposant, gardons malgré tout un œil sur notre message.
En particulier, si on pouvait arrêter un peu d’humilier le public, d’humilier les femmes, d’humilier les handicapés, d’humilier les gros, le tout pour une poignée de rires pas chers…
Reste évidemment de nombreuses questions : l’œuvre doit elle avoir un message. Le message doit-il être choisi consciemment par l’artiste. Est-il unique ? S’il existe, à qui revient la responsabilité qu’il soit transmis correctement : est-ce à l’artiste de le rendre explicite, ou est-ce au spectateur de l’interpréter correctement ?
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=3948 : débat similaire sur @rret sur images !