Emilien m’a vidé…

Aujourd’hui, j’ai pris un cours de mime avec Emilien Gobard, organisé gentiment par la troupe Alunissons, merci à eux de nous avoir invités.

Le travail s’est développé autour de plusieurs axes :
* Un travail sur le corps, sur l’isolation des parties du corps, de prise de conscience, etc…
* Un travail technique de décomposition de mouvements pour obtenir un effet.
* Un travail sur le rythme, la forme, et l’inspiration du corps dans l’improvisation.

La journée était fatigante et bien remplie, variée et intéressante.

Emilien nous a fait faire un exercice où deux joueurs restaient sans rien faire sur scène pendant un long moment (3 minutes). Ca rappelle le Nothing Exercise d’Ira, et l’idée que rien, c’est déjà quelque chose, et que plein de choses peuvent en sortir.

Ca illustrait également très bien la notion nothing nothing nothing something de Keith, car lorsqu’on regarde deux joueurs immobiles, le moindre sourire, le moindre frémissement prend alors une grande signification. Lorsqu’il n’y a rien, il est beaucoup plus facile pour les joueurs et pour le public d’identifier de quoi parle la scène et ce qui est important (au contraire de : quoi ! Ma maison brûle ! Oui, mais je peux pas t’aider, je dois aller sur la lune ! Ok, alors je viens dans ta navette, mais ma grand mère vient de mourir…)

Je dois avouer que le travail purement technique est celui que j’ai trouvé le moins intéressant pour l’improvisation. Ca reste très intéressant pour prendre conscience de son corps dans son ensemble, mais à utiliser en impro, c’est plus délicat, puisque ça fait rentrer dans une routine un peu moins improvisée et spontanée. Cependant, les « sous unités » de mouvements sont particulièrement utile pour s’inspirer de son corps et s’exprimer au travers de son corps.

Le travail sur l’amplitude, le rythme, et la fluidité m’a rappelé l’improvisation de Chicago (i.e. l’organique).

Ce que je retiendrai le plus de cette journée sera un exercice sur le rien qui manque dans beaucoup de scènes : Emilien tapait dans ses mains au cours d’une scène. L’idée était de ne plus rien décider à partir de ce moment, et de se laisser juste porter par l’émotion et l’énergie du moment juste avant, comme un cailloux abandonné dans une pente, ou une feuille portée par le vent. Ca donne des moments de silence d’introspection qui donne du corps à une improvisation où les joueurs parlent tout le temps sans explorer d’émotion.

7 commentaires sur “Emilien m’a vidé…”

  1. Yo!

    Back on the comments!

    Le rien… Mmmmh. Je suis d’accord avec l’idée. Pas avec le terme. Gestuellement il n’y a pas de rien, il y a l’espace. Dans le texte pour moi il n’y a pas de rien il y a le silence.

    Tout l’intérêt est de maitriser l’espace et le silence comme un outil de jeu. Le rien c’est sans toi donc si tu es sur scène tu ne peux pas être rien. Respirer c’est déjà faire quelque chose. J’aimerais bien savoir ce qu’entends Keith par Nothing et surtout Something. Parce que ne rien faire c’est etre assis? Debout? Regarder? Respirer? Et Something c’est Etre assis? Debout? Regarder? Respirer?

    Pour moi le metteur en scène qui te dis : »ne fais rien » est pas très sympa.

    H

  2. Le rien est une notion un peu différente du silence.

    On peut « ne rien faire » et dire des choses ou émettre des sons (rire, renifler, respirer, se gratter). Quelqu’un de totalement immobile sur scène qui se force à ne pas bouger ne fait pas rien, il se force à ne pas bouger. L’idée du rien, c’est vraiment de ne pas prendre de décision consciente, et de se laisser porter par quelque chose de très personnel et de très sincère, de laisser tomber la garde, et l’envie de faire quelque chose d’intéressant. Donc si ton partenaire te fait rire, tu peux rire, s’il te fait peur, tu peux l’exprimer, mais ne pas prendre de décision comme « je vais retenir mon rire » ou « je vais amplifier cette peur ».

    L’idée de Keith est un peu différente. C’est juste de remarquer que les scènes d’impros donnent souvent un truc comme ça :
    – Ma maison brûle !
    – Ah mon Dieu ! Moi je viens de perdre un bras !
    – Ah, mais aide moi à éteindre ma maison et je te réparerai ton bras !
    – Ok, demandons à Super Chient Volant d’éteindre la maison avec sa salive !
    – Oui, et on va devoir lui trouver de la pâtée pour chien pour le faire saliver
    – Oui, mais y’a plus de croquette dans le magasin…
    – Tant pis alors, dansons la valse.
    FIN

    Y’a plein de trucs qui se passent tout le temps, et la fin est creuse ! Something Something Something Nothing.

    L’idée de Keith, c’est de dire qu’il faut établir une relation stable sans problèmes où il ne se passe rien (nothing), pour ensuite venir perturber cet équilibre.
    – Salut Maman ! (nothing)
    – Bonjour fiston ! C’était bien l’école aujourd’hui ? (nothing)
    – Oui, super, on a fait Pythagore en math ! (nothing)
    – Ah très bien… Tu vas faire tes devoirs ? (nothing)
    – Oui, j’ai une rédac de français pour demain. (nothing)
    – C’est quoi le sujet ? (nothing)
    – « 10 bonnes raisons de tuer votre mère » (SOMETHING)

    C’est exagéré ici, parce que la scène est très courte, mais une perturbation devient très forte lorsqu’on a établit avant une forme de stabilité attachante. Si tout va mal dès le début et qu’il y a plein de problèmes (somthing somthing somthing), on ne rentre pas dans l’histoire, et c’est difficile à finir proprement. S’il ne se passe rien d’inhabituel (nothing nothing nothing) et que le début de la scène permet juste de bien définir la situation stable, la perturbation (something) sera très forte.

    Là où je reliais les deux c’est que lorsque quelqu’un ne fait rien sur scène, dès qu’il y a un petit changement, ça prend beaucoup de sens et ça raconte une histoire.

  3. Cool!

    Je suis pas d’accord car comme on le disait la dernière fois. C’est la routine qui s’installe. Donc jouer une routine ce n’est toujours pas rien.

    Quant au rien qui relâche la garde c’est faire le vide, c’est relâcher, c’est lâcher prise mais ce n’est pas rien.

    En fait ce que je veux dire c’est que tout cela se travaille, se maitrise pour l’utiliser en impro et se laisser transporter par l’impro.

    Des gens travaillent la notion de vide de l’esprit. La méditation ce n’est pas rien faire c’est se concentrer pour se retrouver et se rendre disponible.

    Je suis d’accord avec toi sauf sur ce terme qui raccourcit tout l’effort. « Fais rien » devrait pour moi, etre remplacé par « concentre toi, fais le vide, ouvre tes sens » ou je ne sais quoi mais le rien a tendance à conduire l’acteur à jouer « rien » alors que ton objectif a plus l’air d’un état qu’autre chose.

    H

  4. Ben, justement, l’exemple de la méditation est bon, mais je pense que tu arrive pas à méditer et penser à rien si tu dis « surtout, ne pense à rien, surtout, ne pense à rien ». Du coup, c’est vraiment l’idée de cette méditation en se laissant aller, sans effort…

    Dans l’exercice du rien « ne fais rien » n’est qu’une consigne initiale dans une démarche pédagogique. Évidemment que le meneur de l’exercice va ensuite orienter les joueurs vers cet état qui n’est pas un état de concentration forcément, mais de vide effectivement !

    Et j’ai pas compris l’histoire de la routine…

  5. Quelle est la différence entre « ne pense à rien » et « ne fais rien ». Pour moi aucune. IL ne faut surtout pas viser « le rien » mais utiliser une méthode quelconque pour l’atteindre. Car le « rien » c’est en fait le vide, ou l’absence de quelque chose. Méditer ce n’est pas rien faire, c’est méditer. Et « Faire rien » ce n’est pas rien faire c’est « Faire rien ».

    Pour la routine. C’est l’exemple de Keith que tu as donné. Le nothing qu’il explique c’est l’installation d’une routine. Ce rythme dans lequel on met le spectateur pour mieux surprendre. Pour moi ce n’est toujours pas « Nothing ».

    Quant à l’état de concentration je pense qu’il est nécessaire car sur scène, pour ne pas se laisser perturber et effectivement réussire à isoler son esprit pour le vider. Il faut se concentrer en tout cas pour moi.

    Ce que je reproche pour finir au « rien » c’est qu’on ne peut rien lui associer, ni un verbe ni un adjectif. C’est un terme beaucoup utilisé mais pas vraiment clair. Pour moi obtenir le rien c’est faire un noir sur scène et ne pas paraitre. Etre sur scène et ne rien faire c’est tout sauf rien faire. Etre c’est déjà quelque chose.

    H

  6. Je pense qu’il y a ici surtout un décalage voulu entre la consigne qu’Émilien a donnée et ce qu’il voulait que les acteurs en fasse. Moi je l’ai interprété a posteriori comme « n’essayez pas d’inventer quelque chose ». Le « ne faites rien » est juste une consigne qui permettait aux gens de ne pas chercher à créer quelque chose. Au final on n’a jamais eu « rien » mais Émilien était toujours satisfait, et ça, c’est génial.
    D’ailleurs si je devais retenir une chose qui m’a beaucoup plu dans sa façon d’enseigner : être strict sur la partie physique des exercices et commenter sans juger les interprétations des consignes abstraites. (Dont « ne faites rien » fait partie)

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